mercredi 23 janvier 2008

bonsoir tout le monde

J'ai opté pour cet espace dans un but communicatif. S'échanger des idées, donner son avis sur des faits ou évènements à thématiques diversifiées, est le dessein principal de ce blog. Faits sociaux divers, littérature et Art resteront les rubriques saillantes de ce site.
Il va sans dire que cette efficience reste subordonnée à une participation sensée et rationnelle. A ce seul et unique titre, l'interactivité peut être avantageuse sur plusieurs bords. Passionnante et passionnelle, elle peut être lénifiante pour les irascibles, réconfortante pour les solitaires, instructive pour les enthousiastes.
Voir et vivre des choses de la vie, n’est-ce pas notre but quotidien ? Mais partager ce vécu avec le tiers, en connaitre les avis qui prolifèrent (acquiescent qui acquiescent, rechignent qui rechignent), y a-t-il donc à priori, substance plus enrichissante à la connaissance et plus nourrissante de l'esprit et de l’âme ?
Mon espoir est que la communication soit conséquente et probante.
Pour commencer, j’expose à l’attention des chers visiteurs de ce blog, un passage de mon roman autobiographique, (en cours d’impression et qui sera incessamment édité « Ma fontaine ma résurgence »), qui constituera la base du thème de notre discussion de l’heure. Je l’ai un peu choisi par hasard, attendu que presque tous les sujets de la vie sociétale se valent et ont leur importance d’acuité.
Loin d’être moralisateur, je signale à nos très chers visiteurs , que ce blog se veut avant et après tout, instructif, constructif et respectueux des principes moraux de notre société marocaine ancestrale.
Très bonnes participation.
Amicalement
A.B.

Chapitre 9
La Hajba
Après la saison des pluies, vint la saison des fleurs. Le hasard fit, que je surprenne malencontreusement une conversation engagée entre mes parents et dont je m’identifiai comme le héro principal. Ce fut à propos de ma circoncision. Cloitré dans un coin discret de la pièce étroite et difforme au dessous des escaliers, j’entendis à travers la lucarne entrouverte, les tenants et aboutissants de toute la discussion :
- C’est décidé, trancha mon père, le début du printemps est la période idéale pour la circoncision de Omar.
- Tu nous prends de court, objecta cependant ma mère. Les préparatifs et le temps pour inviter les gens… Quinze ou vingt jours passent vite.
- Tu me parles de gens à inviter. Quels gens ? des pique-assiettes ? Je t’avertis Zineb, je suis d’accord pour reporter la date à la fin du mois de mars, mais je n’admets pas d’étrangers. J’ai des dépenses à engager pour d’autres projets en tête. De grâce, ne me parle plus de fête. Les écornifleurs vont me ruiner!
- Je ne veux pas perdre la face devant ma famille. Ou tu organises une fête comme il se doit ou tu ne fais rien. Mes deux voisines Lalla Tamou et Hachmia compteront aussi parmi mes convives. Leurs maisons s’accoudent sur la notre, cela serait inconvenable de les ignorer. D’ailleurs ce sont mes deux seules confidentes.
- Je choisis le juste milieu. Dix tables à servir au déjeuner sept pour les hommes trois pour les femmes. Si ça ne leur suffit pas, les restes des hommes pallieront aux lacunes. Ca va couvrir au moins deux tables. L’après midi c’est le thé et les gâteaux secs. Alors qu’est ce que tu en pense ?
Ma mère savait que mon père lui demandait son avis sans jamais le considérer. Elle feignit le rallier et ajouta simplement :
- C’est ton fils, ils n’a qu’une circoncision dans la vie. Si tu veux lui faire une fête piteuse cela te regarde. Mais saches que tu risque de lui attirer la poisse. Tout ce qu’il entreprendra dans le restant de sa vie ne sera que chimères. Cela n’augure pas de bons auspices. Enfin fais ce que voudra.
Plus par stratégie que par soumission, ma mère baissa la tête et ne redit mot.
A cet entretien succéda un long silence. Pour m’assurer qu’ils avaient quitté les lieux, je me relevai de mon coin sombre et jetai un dernier regard furtif, à travers la lucarne entrouverte.
Pour célébrer la fête de ma circoncision, ma mère continua à tabler sur un large éventail de convives: voisines, amies et proches. Mon père lui causa une petite déception en imposant un quota des invités. Mais ce souci fut éphémère, car elle savait que malgré les apparences, elle allait arriver à imposer son point de vue en fin de compte. Elle allait jouer d’astuce et pour arriver à ses fins, elle userait de tous les stratagèmes. « D’ailleurs, mon mari n’était plus l’homme caractériel, dur et intransigeant », aimait-elle à répéter à ses amies. « C’était la moindre des choses qu’il m’écoute pour une fois » se disait-elle.
Pourquoi ne prenait-il jamais en compte son avis ? Elle, qui a enduré l’isolation de quinze années de la hajba. Mais maintenant il n’est plus question que cette situation perdure. Elle doit bouleverser cet ordre. Se soulever contre les âpres privations d'air, de lumière et dont elle fut altérée. Ces frustrations qui la consumèrent jusqu’à la lie et lui provoquèrent adynamie et dégoûts de la vie. L’âme fut meurtrie. Aujourd’hui plus que jamais, et tous les moyens seront bons, elle ne désirait plus qu’une chose : s’épanouir au monde, à son monde à elle, à ses amies. Celles qui partagèrent avec elle les mêmes affinités, héritées d’un passé similaire, legs d’isolement et d’abstinence. Pour le paternel, l’apologie de la Hajba était chose aisée et légitimée. Cette manière fut en vogue à l’époque. Pourtant aucune loi, ni divine ni humaine ne l’imposait : « N’est véritable homme et digne de porter ce nom, que celui qui arrivait à dompter son épouse ». Et elle, en femme de bonne souche, trouvait cela logique. Soumise, comme un chaton, elle se contentait du présent. Le futur, ne comptait plus dans son cadre conceptuel ou discursif. Il n’était plus de sa sphère, de son monde. Cette culture, profondément ancrée dans la réalité sociale de jadis, ne gênait guère le patriarche qui, après avoir marié sa fille, coupait catégoriquement ou presque, toute relation avec elle. Il « donnait » carrément sa progéniture au futur mari, sans alimenter un quelconque espoir de la revoir un jour. Désormais, le cordon ombilical est sectionné court. « Ma fille a été donnée à un tel et non pas mariée, comme en témoigne le langage de ces temps passés ». Le sort de la fille voulait que cela reste du domaine exclusif du père qui, du restes, il est seul habilité à la marier, Chariaa oblige : « la femme ne marie jamais la femme » et d’autre part, la coutume tolère la réclusion en tant que mesure préventive contre soi-disant toute action contraire aux mœurs du coté de la femme. A la base de ces deux critères, le mari pouvait donc disposer de l’épouse acquise comme il l’entendait. C’était la femme complètement conquise. Jusqu’à nouvel ordre, son nom fut quasi-biffé de l’arbre généalogique de ses racines. Et malheur à tout homme, ami soit-il, de s’aviser à prononcer son nom en présence de son mari. A fortiori, de s’enquérir sur sa situation.
La logique est qu’elle fut presque reniée par ses propres parents qui en sont également pour quelque chose dans cette pratique sociale combien dénigrée et jugée dévalorisante। En tout état de causes, « Et toi, après le patriarche, qui es-tu pour t’immiscer dans ma vie privée ? Si son propre père consent à ce mode de vie de sa fille, selon quel droit te soulèves-tu contre cet ordre établi ? Ma femme, c’est ma fierté. Ce noble attribut court le risque d’être réversible et substitué par l’opprobre. Je ne boirai d’eau du déshonneur que si je ne suis plus apte à gérer dûment mon foyer. Mon comportement comminatoire, dissimule bien des sagesses, dissuade et prévient contre bien des glissades qui peuvent être fatales à l’harmonie du couple et à la vie du ménage. Cela dépendra donc de moi et de moi seul, de préserver mon foyer comme je l’entends, de veiller à son équilibre, de le protéger contre les aléas d’aliénations destructrices. Ainsi ma tête restera bien haute ». « Je conçois dans cette façon de faire, une certaine équité très peu compréhensible à l’ère contemporaine. Contrairement aux apparences qui sont souvent trompeuses, mon épouse ne reste point confinée dans un statut d’inférieur du moins dans sa vie privée (la vie publique reste intrinsèquement éloignée sinon inconnue d’elle). Bien au contraire dans son intérieure, elle est mise sur le piédestal. Respectée. Voire glorifiée. La violence est jugulée, bannie. Sauf à des occasions rarissimes. L’esprit avec lequel la pression est exercée, diffère totalement de la conception des jours d'aujourd'hui. Il vise l’éducation. Je ne pratique pas la violence pour être violent. Je n’agis pas de la sorte pour dominer. Si nécessité se fait sentir, je me comporte envers mon épouse comme tel, à dessein de préserver mon foyer, de le protéger le cas échéant contre les aléas des intempéries malsaines et de la légèreté ô combien fatales et destructrices du cocon familial». "Il fallait car Il le fallait"
La durée d’absence de la femme soumise à la contrainte de la Hajba ou du moins de sa disparition de la maison patriarcale, restait fonction de son tempérament, de sa maniabilité et de sa volonté de subordination. Paternalisme à outrance, tel fut l’adage des hommes. La femme m’a été donnée, j’en suis seul responsable. La barque c’est moi qui la conduit, elle, elle n’a qu’à se soumettre et n’a aucun droit à se démettre. Son père même vivant, ne luit sert plus à rien. Je me substitue systématiquement à lui. Désormais, elle, en plus de son caractère automatique à fabriquer les enfants, elle doit être redressée par mes soins pour mieux éduquer les miens.
Dans les fins de journées, après le crépuscule, ma mère, prit l’habitude de me tenir la main et m’engageait dans les escaliers. Je savais clairement qu’elle attendrait la tombée de la nuit pour s’isoler dans le silence lourd et mystique, levait la tête vers le Haut et prier de toutes ses forces. Je ne peux transcrire fidèlement ses invocations mais j’entendais cependant beaucoup «Allah ». Je crois comprendre qu’elle invoquait Dieu pour hâter sa totale libération, et déverser sur nous, grâce et abondance. Je croyais l’entendre également pleurer en silence et donnait l’impression de soliloquer disant entre autres qu’elle a assez enduré de la séquestration qui l’a profondément cahotée.
Ses prières furent peut-être exaucées। Mon père se montra soudain beaucoup plus tolérant envers elle et dans les limites qui ne passaient pas en deçà des confins de la pudeur et de la décence, jeta un peu plus de lest. Les brides furent encore davantage abattues avec l’exhortation dans ce sens d’un Saint homme Hajj Mokhtar Soufi, l’oncle maternel à mon père.

(Extrait de Ma Fontaine Ma Résurgence)
Auteur: Abderrahim Benabbou